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Prendre soin de soi : pas qu'une pause... une posture dès la rentrée!

  • Photo du rédacteur: Bénédicte Tricot
    Bénédicte Tricot
  • 2 juil.
  • 7 min de lecture
professionnel épuisée

Il y a un moment très particulier dans l’année des crèches. Il arrive pile entre les dernières transmissions de fin de journée et les petites attentions des familles La fin juin, a une atmosphère différente : les parents excités par les futurs vacances (ou dans l’angoisse d’avoir leur enfant toute la semaine avec eux …) Et les professionnelles parfois moins patientes, l’esprit tourné vers l’organisation des vacances à venir, sont autant d’éléments auxquels les enfants doivent aussi s’adapter émotionnellement dans une chaleur parfois étouffante malgré les climatisations (s’il y en a !), Bref, la fin d’année arrive à grand pas et c’est le moment de prendre un peu de recul pour préparer une rentrée apaisée après avoir rechargé les batteries


Chaque année, je retrouve dans les équipes les mêmes signaux qui, mis bout à bout, en disent long sur l’état de fatigue des professionnelles. Le silence en pause méridienne, la patience effritée, le lâcher prise sur les tâches quotidiennes apportant ainsi des non-dits entre professionnels… Ce sont ces détails, que l’on reconnaît bien quand on connaît les équipes, qui témoignent d’un état d’usure bien installé.


Alors oui, il est important de parler des enfants en préparant les rentrées. Mais il est peut-être encore plus urgent de parler de nous.


Prendre soin de soi et garder de l'énergie pour les autres


Les professionnelles du secteur social, motivées par l'accompagnement de " l'humain" font partie des personnes les plus engagées que j’ai pu rencontrer. Mais aussi les plus fragilisées! Leur engagement, s’il n’est pas soutenu, accompagné, encouragé, peut vite devenir un piège. On glisse alors facilement du « prendre soin » à « s’oublier soi-même ». Et comme dans beaucoup de métiers du care, l'urgence d'aider l’autre peut parfois prendre le dessus sur l’épuisement qui s’installe lentement et implique un risque accru de s’oublier au passage. Accompagner sans relâche, porter l’attention aux autres comme réflexe, peut devenir source de mal-être, …et ne pas le faire ... source de culpabilité !


Ce que j’observe, c’est que l’épuisement professionnel en crèche n’est pas toujours spectaculaire. Il est souvent diffus, lent, presque banal. Il s’installe dans les automatismes, dans les petites phrases : « J’ai l’habitude, je gère. » ou « C’est toujours comme ça en juin. » Mais derrière cette normalisation des difficultés se cachent des besoins non écoutés, des limites franchies en silence et des dénis encore plus dangereux.


La santé mentale et physique des équipes n’est pas à mettre entre parenthèses, c’est un socle. Or, prendre soin de soi dans ce secteur, c’est encore bien souvent relégué, par manque de moyens et de temps, au second plan en attente de jours plus calmes. Encore plus à titre individuel avec la difficulté de dire non pour beaucoup d’entre nous. C’est aussi l’occasion de se rappeler qu’en réalité, il s’agit d’un gage de qualité et de stabilité, de garantir un accueil sécurisant à la rentrée et des familiarisations peut être plus apaisées à la rentrée.


Reconnaître les signes et dire les choses


Das mes articles j’insiste souvent sur la communication…et bien je ne ferai pas exception dans celui-ci : il est importance de nommer les choses pour quitter les lieux dans une dynamique positive et la retrouver à la rentrée.


Il ne s’agit pas de dramatiser, mais d’objectiver. Ce qu’on ne nomme pas, on le subit. L’équipe, dans ces moments-là, profiterait véritablement d’une pause qui autoriserai la parole ou du moins la permettrait. Nul procès, plutôt un espace-temps pour réfléchir sur soi et retrouver sa juste place (et parfois motivation) dans un quotidien surchargé


Cela demande à la direction d’être vigilante, mais aussi à chaque professionnelle de s’autoriser à formuler ce qui pèse. La régulation d’équipe et les temps entre adultes ne sont pas des temps facultatifs : c’est là que se rejoue la cohésion, que se tissent les ajustements, que se désamorcent les conflits larvés.


La cohésion d’équipe, levier de prévention


Une équipe qui tient, c’est une équipe qui a pris le temps de construire des liens professionnels solides, de partager leur point de vue, d’ajuster leurs valeurs communes. Comment être empathique avec l’autre quand on ne les connait pas. J’ai vu des structures où l’ambiance devenait irrespirable du fait d’absence répétée, ce qui bien sûr amenait encore plus de turn over. D’autres où la cohésion permettait de traverser les absences, de maintenir un dialogue pour essayer de trouver ensemble des solutions face à des situations complexes.


Ce qui fait la différence, ce sont les rituels partagés, les valeurs clarifiées, la reconnaissance mutuelle. Un simple “merci pour ton soutien ce matin”, un regard complice dans un moment tendu, une blague glissée au bon moment… Ce ne sont pas des détails. Ce sont des marqueurs de sécurité relationnelle.


Mais ... la cohésion ne se décrète pas. Elle se travaille petit à petit. Elle se construit par une posture de co-responsabilité. Et elle s’entretient dans les gestes du quotidien, autant que dans les temps collectifs plus formels.


Anticiper pour alléger la charge mentale


Je le sais pour l’avoir vécu (et subi) : en crèche, la charge mentale est constante. Penser au lendemain, aux stocks, aux enfants, aux familles, à la nouvelle recrue… et à notre quotidien à la maison (qui ne peut être mis de côté par un simple interrupteur, même si parfois on aimerait bien !) On jongle sans cesse. Ce fonctionnement en flux tendu, s’il n’est pas compensé par une organisation claire et soutenante, devient épuisant.


Dans les périodes tendues, les repères clairs, les relais identifiés, les consignes visibles et comprises de toutes font toute la différence. Ce sont ces éléments concrets qui, au quotidien, permettent de respirer un peu dans la course et de retrouver de la marge mentale. Et comme les enfants durant leur période d’opposition, les professionnels tentent de changer les cadres, mesure leur impact sur cet espace de travail sans avoir conscience des enjeux qui se jouent sur leur bien être futurs. Beaucoup de direction y perdent de leur énergie …et là aussi, comme les parents baissent les bras et se découragent.


Et j’insiste souvent sur l’importance des outils visuels, collectifs et concrets pour rassurer les enfants et ne pas leur demander de comprendre jour après jour leur environnement et passer à autre chose bien plus valorisant pour eux même. Il en est de même pour les professionnelles : un tableau des humeurs, une boîte à idées, un affichage des priorités du jour, des journée pédagogiques pour échanger sur des pratiques et en construire des communes… Cela soulage la mémoire individuelle et renforce la collaboration. Bien sûr que les professionnels ne sont pas des enfants ! Et nous le savons déjà et avons tendance à l'oublier: notre sécurité intérieure s’ancre dans des valeurs sûres, intemporelles, alors pourquoi ne pas les utiliser ?


Revaloriser la lenteur dans un métier pressé


Ce que je perçois aussi, c’est la dictature de la performance qui s’immisce en crèche. Performance demandée par la société, les parents (qui parfois eux même ne se sentent pas à la hauteur de leurs propres exigences et alors demandent aux professionnels de prendre le relais pour obtenir les résultats tant attendus de leur enfant) Multitâche, polyvalence, réactivité : autant de qualités devenues exigences permanentes. Or, le soin, l’observation fine, la présence vraie… demandent du temps.


Il faudrait pouvoir ralentir. Pas tout le temps. Mais parfois. Intentionnellement. Pour souffler. Pour observer sans intervenir. Pour respirer dans le rythme des enfants. Cela ne veut pas dire en faire moins. Cela veut dire faire autrement, avec plus de conscience et de douceur.

Il m’arrive souvent de proposer, en formation, de réintroduire des micro-pauses rituelles, de souffler pendant la sieste des enfants. De prendre soin du collègue par un mot, un regard en s’arrêtant …3 secondes…. 3 secondes qui nous obligent à ne pas courir (si, j’ai vu des professionnels courir entre sèche-linge à lancer entre deux enfants à changer pour avoir des bavoirs au gouter d’après !)


Penser le projet d’établissement comme un outil de prévention


Je crois profondément que le projet d’établissement est bien plus qu’un document administratif à fournir à la PMI et à renouveler par obligation. Coconstruit, vivant, relu et ajusté ensemble, en équipe par petite touche au fil de l’année, il devient un outil de régulation, fait ressortir les non-dits cachés (absorbeur de tellement d’énergie au quotidien au détriment des enfants !). Il permet aussi d’aligner les intentions, de poser les cadres, d’interroger les pratiques, et de donner du sens. Alors pourquoi lors de l’accompagnement de mes étudiants j’entends régulièrement que “le livret pédagogique ne reflète plus le quotidien de la structure”


Et pourquoi ne pas intégrer la question du bien-être au travail dans ce projet, pour envoyer un signal fort aux parents et aux professionnels : ici, on prend soin des enfants et des adultes. On considère les besoins de chacun. On valorise l’humain autant que le fonctionnement. Et ce cadre soutient le quotidien, il ne l’enferme pas. D’ailleurs, le point 8 des 10 principes pour un accueil de qualité des jeunes enfants, publiés en 2020 par le Comité des 1000 premiers jours, insiste justement sur l’importance de “professionnels qualifiés et soutenus pour garantir un accueil de qualité.” On a encore bien du chemin à faire pour que chaque professionnelle s’en donne elle-même les moyens…car cela commence aussi par le prendre soin de soi


Fin d’année : un moment stratégique pour faire le point


Et si on profitait de cette fin d’année pour faire le point. Pas que sur les enfants que l’on va accueillir l’année prochaine mais aussi pour s’interroger sur nos manières de travailler ?

• Qu’est-ce qui, cette année, nous a porté ?

• Quelle organisation pourrions-nous ajuster ?

• Quelles intentions voulons-nous poser pour la rentrée ?


Ces questions, je les pose souvent en formation en individuel. Un retour sur ce qui les porte au quotidien, rappel de ce qui les motive dans leur métier. Quels moyens peuvent-elles mettre en œuvre pour prendre soin d’elles. Comment exprimer son besoin d’aide avant d’être totalement submergée …pour ne plus pouvoir le faire. Et j’observe qu’elles provoquent chez les équipes un étonnement. A quel point elles se sont éloignées de l’essentiel : l’envie de prendre soin de l’autre Et surtout à quel point c’est toujours cela qui les porte jour après jour …Le découragement les quitte alors, l’énergie revient pour se construire un nouveau positionnement professionnel ou leur bien être revient dans l’équation. Où l'intention première revient au premier plan : accompagner l’enfant, travailler au sein d’une structure porteuse de sens et de valeur, construire ensemble le devenir de l’enfant.

Bref, les racines de leur projet



Oui, prendre soin de soi en crèche est une compétence professionnelle à part entière, une posture à acquérir au même titre que toutes celles que l'on apprend pour mieux accompagner le développement, le langage ou les émotions de l'enfant ? … Et les OPCO sont d'accord et soutiennent les professionnelles dans ce sens .

La formation “prendre soin de soi et prévenir l’épuisement professionnel”…est donc d'autant plus à l'ordre du jour pour démarrer la future année et prévenir la fatigue et le tur-over si redouté des équipes . (Plus de détail dans : https://www.cogivia.fr/catalogue)





Bénédicte Tricot

EJE, formatrice

Sources :

https://www.youtube.com/watch?v=Rw48BEUAZek (**Parle‑moi de santé #87 : L’épuisement professionnel avec Nicolas Chevrier et un super accent canadien !)

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