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L’ennui, une porte vers l’autonomie

  • Photo du rédacteur: Bénédicte Tricot
    Bénédicte Tricot
  • 23 oct.
  • 4 min de lecture


enfant qui s'ennuie

L’ennui n’est pas une perte de temps mais bien le point de départ de l’apprentissage ! Quand l’adulte résiste à l’envie de combler le vide, l’enfant observe, choisit, invente et s’engage pleinement avec de longs moments de concentration. Ce temps renforce l’autonomie, nourrit le jeu libre et le temps de concentration et affine l’observation professionnelle. Et si, parfois, le meilleur geste éducatif… était de ne rien proposer ?



Dans une société où tout va très vite, l’ennui n'a pas sa place. Les journées s’enchaînent, les activités se succèdent sans répit et les adultes ont fini par oublier ce que c'est que de "ne rien faire".


Une autre temporalité


Lorsqu’un enfant s’arrête, l’adulte, lui, projette son mal être . Cet inconfort ponctuel vient de l'inquiétude de l'après : « Et si ça restait comme ça ? ». Là où l’adulte anticipe déjà la suite, l’enfant, lui, vit pleinement l’instant présent. Il observe, attend, respire, sans mesurer le temps qui passe.


L’ennui de l’enfant n’est pas un trou inutile dans la journée : c’est un moment de transition essentiel. Cet espace temps est déjà un apprentissage: l’enfant scrute ce qui l'entoure avec attention, repère ce qui l’attire, se questionne sur les objets puis agit à partir de ses propres envies C'est d'ailleurs cela que Maria Montessori soutient dans les fameuses "périodes sensibles".


En comblant ce vide, L’adulte empêche une étape clé : celle où l’enfant mobilise ses propres ressources pour entrer dans le jeu ou l’action. Il s'agit de ne pas éteindre cette capacité au risque de le faire développer une dépendance à l'adulte.


L’exploration vient avant l’apprentissage lui-même. L’enfant regarde, touche, teste, puis apprend dès la naissance! Ce temps lent, souvent invisible, lui est indispensable. Laissons ses neurones se connecter à leur rythme. Il a toute la vie pour apprendre à "faire" et ses premieres années pour apprendre à rêver, imaginer. Pour développer cette capacité à être autonome dans son jeu et dans ses apprentissages.


L’ennui, moteur de jeu libre et d’apprentissage


L’ennui est le point de départ du jeu libre. C’est grâce à ce temps de disponibilité intérieure que l’enfant peut observer, choisir et s’engager dans une action autonome. L’aménagement de l’espace joue ici un rôle fondamental: il doit offrir des possibilités d’exploration riches, et un maximum de jeu permettant l’affordance.


Une planche devient un pont, une scène ou une balançoire selon ce que l’enfant imagine. Une boîte peut se transformer en tambour ou en cachette. Pendant ce temps, l’adulte reste en retrait, disponible mais non intervenant, afin que l’enfant ne s’appuie pas sur lui pour agir. Lui dire que le carton est un avion l'aménera dans l'imaginaire très concret de l'adulte. Car finalement...pourquoi ce carton ne serait pas un nuage?


Ces moments sont aussi une opportunité de communication et d'interaction avec l'adulte : l’enfant par le biais d'un regard en coin s'approche doucement d'une jeu et teste les limites. Il présente celui-ci ( fièrement) à l’adulte qui mettra des mots dessus ou l'aidera à bien prononcer ceux qu'il a choisit...sans lui dire quoi faire. Ce court échange renforce sa confiance en soi, sa capacité à "faire seul" et sa compréhension de sa place dans le monde. C'est justement ce dernier point qu'il cherche quand il dit "non" à tout.



Culpabilité culturelle et posture professionnelle


Pour beaucoup de professionnelles, ne rien proposer à un enfant qui ne joue pas est déstabilisant. Le sentiment de culpabilité est profondément ancré dans notre culture qui prône l’action. On ne se sent “utile” qu'en animant, en intervenant, en remplissant le vide. Quitte à faire 10 choses à la fois!


Accepter l'ennui de l'enfant, ce n’est pas “ne rien faire” : c’est adopter une posture professionnelle fine, qui s'appuie sur des savoirs professionnel: savoir observer l'enfant pour ajuster l'aménagement, savoir se faire confiance et se considérer en tant que professionnelle, savoir soutenir et renforcer l'attachement qui lui permettra justement d'explorer et de s'approprier l'espace.

Et oui, car pour que l'enfant se construise dans l'ennui, une condition est indispensable : la sécurité affective! Quand les repères sont stables et les adultes prévisibles, et qu'il se sent considéré ( et non ignoré) l’enfant peut s’autoriser à s’ennuyer, observer, explorer.


Accompagner l'ennui


L’ennui est une formidable porte d’entrée pour une observation fine. Quand l’adulte ne propose rien, il peut enfin voir :

  • quels gestes émergent spontanément,

  • quels objets attirent l’enfant,

  • combien de temps il reste concentré,

  • comment il construit ses séquences de jeu.


Ces observations enrichissent les transmissions aux parents. Elles servent aussi de base pour adapter l’aménagement de l’espace et les propositions d'ateliers ( on n'est pas obligé de le laisser tout choisir non plus ! )





L’ennui n’est pas une faille dans le quotidien des enfants : c’est une respiration éducative. Accepter cette temporalité lente, c’est reconnaître à l’enfant sa capacité naturelle à apprendre.

Cela demande aussi aux équipes de crèche de réfléchir à leur posture : moins d’occupation, plus de confiance. Parfois, la plus belle des actions professionnelles… c’est justement de ne pas en faire trop.


Accompagner l'ennui et renforcer ses compétences d'observation et d'accompagnement dans le jeu libre requiert des compétences spécifiques. Découvrez les formations "les nouvelles connaissances sur le développement global de l'enfant" et "favoriser le jeu libre et aménager les espaces"


Bénédicte Tricot - EJE formatrice

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